La nouvelle force que nous appelons de nos vœux, à la GDS, tarde à advenir. Elle n’a pourtant jamais été aussi nécessaire. C’est ce qu’affirme Gérard Filoche dans cet appel à toutes et tous les unitaires de la gauche sociale et écologique bien décidé.es à relever l’espérance. Cet article a été écrit au tout début du mois de novembre (pour la revue Démocratie&Socialisme)…Barnier était encore Premier ministre !
Le NFP ne dégage pas toute la puissance d’action et de dynamique qu’il devrait et pourrait déchaîner. Alors qu’il a réalisé une magnifique percée en juillet dernier, effet différé des grandes manifestations contre la casse de nos retraites de 2023, le NFP a créé un nouveau paysage politique et propulsé en avant la gauche unie contre le risque que fait font peser le RN et la lamentable coalition des droites, mais il reste en dessous du niveau qu’il peut et devrait atteindre.
Un sursis à exploiter
Nous sommes des millions à avoir le sentiment d’avoir connu un sursaut, mais d’être en sursis. En ce mois de novembre 2024, le NFP devait être capable de tenir des centaines de meetings partout dans le pays avec tous ses dirigeants sur les estrades pour dénoncer le budget violemment antisocial de Barnier. D’autant qu’à l’Assemblée nationale, le prétendu « bloc central » révèle qu’il n’est pas uni et qu’il se disloque au contraire d’amendements en amendements, alors que le NFP prouve, lui, qu’il est capable de trouver des majorités élargies sur nombre de ses excellentes propositions pour les trois budgets de la nation.
Aucun éditorialiste ne souligne cet événement politique, le plus important depuis la rentrée parlementaire : alors que Macron a fait un coup d’État cet été contre la coalition arrivée en tête des législatives anticipées au prétexte qu’elle ne pourrait pas gouverner dans la durée, c’est la regroupement LREM-LR, soutenue pourtant par le RN, qui ne tient pas.
L’extrême instabilité au sommet suscitée par la dissolution du 9 juin, devrait être une occasion pour la gauche de se consolider, de construire partout des comités d’action unitaires, de la base au sommet, et de préparer sur le terrain les élections législatives anticipées qui, selon toute vraisemblance, auront lieu en 2025. Le système macroniste s’effrondre, et sa faillite devrait être exploitée par les nôtres. La menace du RN fascisant et raciste empoisonne chaque jour davantage la vie politique, même si le mensonge de sa propagande antisystème se dévoile dans chacun de ses votes au Parlement.
Certes, il y a bien, ici et là, quelques comités de Front populaire, de Strasbourg à Perpignan, de Pau à Lyon, des réunions locale aussi, mais les appareils des quatre principaux partis du NFP sont loin de réaliser tout ce qui devrait être fait en ce sens. Il y a beaucoup de luttes sociales, pour les salaires, l’emploi, les droits du travail, mais pas encore assez pour que naisse une dynamique nationale. On est en attente, sur un faux-rythme. Il y a même du doute qui s’exprime, en lien avec le souvenir de la défunte NUPES. Nombreux sont les nôtres qui pensent : « Ne nous trahissez pas. Démontrez que ce que vous voulez est bien ce que nous voulons, et ensuite nous verrons. »
Quid des « grands partis » ?
Des centaines de milliers d’électrices et d’électeurs sont inquiet.es, vigilant.es et disponibles, mais que leur est-il proposé qui puisse les faire agir collectivement ? La grande masse de la gauche n’est pas adhérente dans les quatre principaux partis, ni attirée par eux. Pas assez d’attrait. Pas assez d’action. Pas assez d’union. Pas assez de dynamisme. Certes, ces quatre partis ont obtenu 28 % des voix en cumulé et sont en tête, et ils se sont un peu développés : les Verts déclarent être passés de 5 000 à 18 000 membres, le PS annonce 10 000 nouvelles et nouveaux adhérent.es en vue de son congrès de 2025. À LFI, ça va, ça vient, en accordéon, entre l’action vigoureuse des groupes d’appui, et les recentrages, épurations et autres déconnections. Quant au PCF, il connaît la crise, Roussel ne sachant trancher s’il est unitaire ou non.
Comment la grande masse des « sans partis » pourrait-elle être attirée par le PS, tant que la menace des droitiers « hollandais » freine les efforts d’Olivier Faure pour ancrer résolument son parti à gauche ? Disons qu’il fait de son mieux et mérite le soutien de toute la gauche sur cette ligne. Mais le cœur de la gauche est bien plus à gauche que le PS. Ce qui pousse beaucoup jusque-là à se sentir plus proches de la combativité de LFI, mais avec grande défiance à son égard, car elles et ils ne supportent pas son fonctionnement résolument antidémocratique, ni le fait que sa direction soit par-là même totalement incontrôlable.
Espace disponible
C’est pourquoi, selon la GDS – et nous ne cessons de l’expliquer, de le souligner chaque jour –, il y a un grand espace pour une force politique nouvelle, capable de tirer les leçons du passé et d’être utile au Nouveau Front populaire. Entre le PS et LFI, il y a une disponibilité. Un « gisement » de plusieurs dizaines de milliers de militantes et de militants, jeunes et moins jeunes. Une force nouvelle pas pour disperser un peu plus, mais pour rassembler. Pas pour se concurrencer davantage, mais pour souder. Ni gauchistes, ni réformistes, mais au cœur d’une recherche de transformation sociale profonde, clairement dans le camp du travail contre le capital. L’excellent programme du NFP le permet.
On les rencontre dans toutes les initiatives, ce sont les mêmes avec Ruffin à Flexicourt et Lucie Castets à Hérouville, d’Épinal à Marseille, de Montpellier à Pau, de Nantes à Paris : on se croise, on se reconnaît dans les actions syndicales, d’Arras à Charleville, de Nice à Orléans, que ce soit dans les salles de François Ruffin, dans les meetings de Clémentine Autain et d’Alexis Corbière, ou même parmi celles et ceux qui sont allés à Blois ou à Valence, qu’on a retrouvés dans les manifs du 1er octobre, les commémorations du 17 octobre ou dans les nombreux « appels » et « pétitions » pour les droits des femmes, des immigrés, pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza.
L’union fait la force
Au sein de cette mouvance bien identifiable et massive de la gauche, il existe une pléiade de petites forces organisées, avec des cadres politiques expérimentés, des militants dévoués, un savoir-faire énorme, mais elles ne servent quasi à rien, elles sont ventilées tant qu’elles restent dispersées. Elles ont souvent les meilleures idées, la meilleure version pratique du programme, les meilleurs comportements démocratiques, mais tant qu’elles ne se décident pas à fusionner et à peser ensemble, elles n’ont pas l’impact qu’elles pourraient et devraient avoir. Tous les jours, la GDS le répète, notamment à l’Après, à Génération.s, à Ensemble!, à la GES, à Picardie Debout ! : faisons un parti commun, engageons des assises fondatrices ! Vite !
Il faut en faire prendre conscience, aucun de ces mini-partis ne percera seul. Pas de miracle spontané de la base. La base,elle, est demandeuse, elle attend, mais elle ne fera pas seule ce que ni les grands ni les petits partis ne sont pas capables de réaliser.. Il n’y aura pas de Bourgogne debout ! de Nantes debout ! Et il est impossible de « gagner » sans rassembler ! L’Après ne fera pas un parti seul. Génération.s n’a pas d’avenir seul. Ensemble! ne survivra pas davantage seul. « Je » ne vaut rien. Sans fusion , aucun « Je » n’imposera sa candidature comme commune. Sans collectif, les élus de L’Après, de Génération.s, de Picardie debout ! se feront balayer dans le choix des circonscriptions en 2025. Sans parti commun, ils ne seront même plus identifiés par les électrices et les électeurs.
Seul un parti de gauche unifié, identifié peut agir. Sans fusionner, ils ne compteront plus à aucune table, ni pour agir ni pour négocier. Ils auront des candidat.es contre eux et perdront. Ne pas fusionner au plus vite, c’est suicidaire. 2025 sera l’année butoir. Pour les municipales de 2026, comme pour des candidatures uniques à d’éventuelles législatives, et à la présidentielle de 2027 (si ce n’est pas avant), dès le premier tour. Chaque jour compte, car le temps presse.
Toutes et tous ensemble !
Sans parti commun, ce sera le désarroi : ni les militants ni les dirigeants de ces groupes ne seront à la hauteur des prochaines échéances, aussi bien dans les luttes que dans les élections. À part des poignées valeureuses de militant.es très impatient.es et conscient.es, les dizaines de milliers de sympathisant.es disponibles ne se tourneront en aucun cas vers ces petits groupes s’ils restent séparés. Ce ne sera pas le cas s’ils annoncent un congrès de fusion pour une nouvelle force clairement unioniste et démocratique. S’ils créent un nouveau parti, un vrai, où on adhère, où on cotise, où on débat, où on vote, où on décide et agit efficacement, collectivement, loyalement. Un parti qui fasse son entrée solennelle dans le Nouveau Front populaire, dynamisant du même coup celui-ci. Il faut y croire, relever le défi, démontrer que c’est possible pour donner confiance.
Ce que chacun ne peut faire isolément, c’est l’annonce par toutes et tous, ensemble, de l’addition dynamique de nos forces en un seul parti, qui le fera. Il n’y a pas de baguette magique qui fait surgir des cadres, des collectifs, des militant.es de masse, des jeunes, des « salarié.es de première ligne » par millions. C’est une pure illusion. Un fantasme dissolvant.
Pour progresser, il faut d’abord rassembler, réunir, additionner, mettre en mouvement le meilleur de la gauche existante, bâtir soigneusement à la base comme au sommet. Donner l’idée qu’on méprise ces militantes et ces militants formé.es, que ce sont des has been, qu’on va leur passer par-dessus pour « faire du neuf », c’est se couper collectivement les ailes. C’est paralyser ce qui est disponible au nom d’un futur qui ne verra pas forcément le jour. Et si c’est un « Je » qui émerge, peu en voudront. Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de « sauveur suprême ». Aucune forme de bonapartisme ne peut faire gagner le salariat des tours et des bourgs, des quartiers et des champs. Le salariat, c’est une classe sociale ; ce n’est pas un « Je », c’est un « Nous ».
Nous sommes en route, depuis septembre, pour créer ce « nous » ! Il faut désormais avancer publiquement. Pourquoi pas un Comité de liaison permanent ou une Alliance des forces d’ores et déjà disponibles pour agir et rassembler celles et ceux qui, sans partis à ce jour, veulent s’engager pour l’unité ? Une alliance ouverte aux hésitants, aux personnalités de la société civile, pour poursuivre les discussions vers un Parti des gauches unitaires large, démocratique, ouvert à toutes et tous, au cœur du Nouveau Front populaire.
C’est maintenant ! Debout ensemble ! Rassemblons-nous pour que le NFP élargi, démocratisé, dynamisé, l’emporte contre Macron-Barnier-Le Pen !
Cet article de notre camarade Gérard Filoche a été publié dans le numéro 319 (novembre 24) de démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).